Evénement incontournable pour tous les professionnels de la place Bordelaise, la semaine des primeurs est une institution qu’il parait intéressant d’évoquer. Cette année, elle se déroulera du 2 au 6 avril 2017.
La semaine primeur : un événement historique de la place de Bordeaux
Le système de la vente en primeur a été instauré sur la place de Bordeaux il y plus de deux siècles pour permettre aux vignerons de vendre leurs vins deux ans avant leur mise sur le marché. L’objectif était donc un gain de trésorerie pour les propriétaires, permettant ainsi de réaliser d’autres investissements sur les vignobles. La contrepartie pour l’acheteur est bien sûr d’obtenir des vins à des tarifs inférieurs à ceux pratiqués lors de la sortie effective sur le marché (30 % de rabais en moyenne). Les maisons de négoce, par l’intermédiaire des courtiers, vont ainsi acheter la quasi-totalité des grands crus lors de cette semaine pour une somme de presque un milliard d’euros.
L’ensemble des professionnels se réunit donc pour déguster les échantillons des châteaux Bordelais et ainsi se faire une idée de la qualité du millésime sur les différentes appellations. Les journalistes vont alors effectuer leurs notations et les acheteurs déposer des options d’achat. Les châteaux vont alors prendre connaissance des articles des uns et des promesses des autres, puis fixer le prix que l’on qualifie de « première tranche » pendant le courant du mois de mai. Cette période est assez tendue puisque les châteaux se livrent une guerre des nerfs et les prix sont donc distillées au compte-goutte.
Il est à noter que certains vins sont introuvables sans passer par des négociants et il faut parfois de longues années avant de pouvoir en espérer. C’est le cas de Pétrus, en effet la rareté et les performances de ce vin entraînent une ruée à chaque campagne. Afin de pouvoir prétendre à un de ces flacons, il faut posséder la fameuse allocation que seuls quelques gros acheteurs réguliers arrivent à décrocher.
La concurrence est d’autant plus dure que les acheteurs du monde entier souhaitent aussi obtenir une part de l’offre des grands crus français. 8 000 professionnels de 70 pays différents étaient en effet présents en 2012.
Cette vente était à l’origine réservée aux professionnels mais elle s’est ouverte aux particuliers depuis quelques années. La majeure partie de la production est réservée pour le négoce mais il est possible d’avoir accès à une partie de la production de certains châteaux.
Cependant, il faut rester prudent et acheter les vins au « bon prix » puisqu’il est arrivé que certains flacons soient finalement plus chers en primeur que lors de la sortie réelle sur le marché.
Un événement et des polémiques
On note en effet une certaine méfiance de certains experts et domaines depuis quelques années face à la flambée des prix constatés, sur le millésime 2012 notamment.
Le système même de la vente en primeur est controversé sur le fondement deux arguments. Le premier se base sur la difficulté à effectuer un jugement fiable sur un vin deux ans avant sa mise en bouteille. Le second repose sur l’accentuation du phénomène spéculatif causé par le crédit accordé aux critiques œnologiques les plus réputés, Robert Parker en tête. Organisé depuis des siècles, cette semaine semble cependant ancrée dans les racines bordelaises et il paraît donc inenvisageable de détricoter tout un système, auquel beaucoup trouvent de nombreux avantages.
Cependant, une affaire a fait grand bruit en 2012, la sortie du système des primeurs du Château Latour, mythique Premier Grand Cru classé de Pauillac. Frédéric Engerer, le directeur général du château s’est expliqué sur ce choix :
« Je veux me rapprocher vers un système à la champenoise. Dom Pérignon vend actuellement son 2003 et personne ne trouve rien à redire. Château Latour est un vin de longue garde et il ne sert à rien de le vendre trop tôt. Nous le conserverons au château dans les meilleures conditions possibles. Nous avons investi spécifiquement dans un nouveau chai de stockage pour les garder ».
Le constat dressé par les têtes pensantes de Latour est simple. Les bouteilles acquises en primeur, sont vendues et revendues plusieurs fois avant d’atteindre leur maturité, et pas toujours conservées dans des conditions optimales. On aura bien compris que la raison essentielle est de pouvoir rapatrier au château les énormes plus-values réalisées par des particuliers. Pour exemple, le millésime 2008 se vendait 150 euros en primeur et s’échange à 800 euros et plus aujourd’hui. Ce sera donc maintenant le producteur lui-même qui bénéficiera de la spéculation sur son vin. Tous les châteaux ne pourraient pas se permettre cette folie de conserver plusieurs millésimes dans les chais, en raison des coûts énormes engendrés et du manque à gagner certain en faisant l’impasse sur la vente en primeur.
L’idée de ne vendre des vins prêts à boire n’est d’ailleurs pas complètement nouvelle. C’est par exemple ce que font depuis des années les bodegas espagnoles de La Rioja ou de Ribera del Duero au travers de leurs Reservas et Grandes Reservas. C’est dans une moindre mesure ce que fait depuis longtemps Vega Sicilia.